La notion d'une monnaie-marchandise était encore celle de tous
les économistes du siècle précédent. Elle s'est
effacée devant la monnaie nominale, qui a d'abord prétendu
tenir sa légitimité de sa convertibilité toujours possible
en métal jaune, qui faisait fonction de garantie absolue. On disait
que le billet de banque représentait de l'or. C'était à
l'époque d'un régime esthétique de représentation
(dans le roman comme dans la peinture) que l'on exigeait avec force, comme
un axiome intangible de l'économie politique la circulation de l'or
lui-même, ou, à la rigueur et avec prudence, la substitution
du métal précieux par des signes qui le représentaient
immédiatement.
Tout se passe comme si le rapport de représentation
fidèle, véridique, entre le langage et les choses, ou entre
le tableau et le monde visible qu'exigeait l'esthétique réaliste,
se retrouvait dans le rapport de substitution toujours possible, immédiat,
rassurant entre la monnaie-or et les marchandises qu'elle peut acheter,
ou entre les billets de banque et l'or qu'ils représentent, et qui
indirectement, achetaient la marchandise. Chez Balzac, l'esthétique
littéraire réaliste s'accompagne, dans le contenu même,
d'une référence constante à l'or. Le personnage de
Gobseck, par exemple, déclare que l'or est la seule chose matérielle
de valeur certaine.
|