Le parallélisme entre la monnaie et le langage a des ramifications
nombreuses, aussi bien structurales qu'historiques. Mais de nos jours, c'est un véritable recroisement, car l'essence informationnelle de la monnaie
se révèle plus clairement à mesure que se poursuit
son mouvement de dématérialisation. Il apparaît de mieux
en mieux que la monnaie est langage, transmission d'une information, et
non pas déplacement d'un corps matériel, gage de valeur, d'un
agent qui le cède à un autre qui se l'approprie. La monnaie
digitale s'inscrit dans cette histoire accélérée de
la monnaie avec sa tendance à la dématérialisation.
Il a fallu d'abord que cette dématérialisation soit un acquis
incontournable, pour que la transmission électronique digitale soit
concevable.
Avec l'apparition successive du billet de banque, (remplaçant
l'espèce métallique de réserve), puis du chèque
signé manuellement par l'émetteur au nom d'un bénéficiaire
payé par l'intermédiaire d'une banque, puis de la carte de
crédit (ou de paiement) certifiant l'identité magnétique
et assurant la communication instantanée avec la banque, se déploie
une histoire rapide du médium monétaire - une histoire
qui fait passer du matériel au virtuel, de l'analogique au digital.
La monnaie se pesait, puis elle s'est imprimée, et écrite
manuellement, enfin elle se dactylotype électroniquement. Notre mode
de représentation, nos conceptions du réel, du temps, de la
matérialité et de la symbolicité, de l'interaction
sociale, notre rapport au politique et à nous-mêmes, ne peut
que se trouver changés par ces praxéologies monétaires.
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